Premier round contre la Russie devant la Justice française

Une première audience a eu lieu, le 29 novembre, devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, dans le cadre des tentatives d’une entreprise publique russe de faire exécuter contre un citoyen français, ex-sénateur, M. Sergei Pougatchev, une décision en responsabilité subsidiaire du 30 avril 2015 du Tribunal de Commerce de la ville de Moscou.

La Mezhprombank, qui a été créée en 1992 par Sergei Pougatchev, a été déclarée en faillite en 2010, mais, à ce moment, cela faisait déjà 9 ans que l’ex-sénateur n’était plus le propriétaire de la banque et avait quitté le Conseil d’administration.

Le 30 avril 2015, le Tribunal de Commerce de Moscou a condamné Sergei Pougatchev, ainsi que trois hauts cadres de la banque, à une responsabilité subsidiaire pour les dettes de la Mezhprombank pour une somme de plus d’un milliard d’euro.

L’affaire a été examinée à juge unique par le juge I.I. Kléandrov, nonobstant le fait que la législation dispose que les affaires de faillite doivent être jugées exclusivement de façon collégiale. Le jugement rendu par le juge Kleandrov à l’issue d’une audience de 3 heures supposait que le juge puisse, en trois heures, analyser quelques 342 volumes de pièces et évaluer plus de  200 contrats passés par la banque, auxquels se référaient les représentants de la Fédération de Russie. En conséquence, toutes les décisions rendues par un juge unique ont été cassées par la Cour Suprême de la Fédération de Russie (arrêt du 19 décembre 2016).

Lors de l’audience du 29 novembre, les avocats de Sergei Pougatchev ont contesté les pouvoirs de l’entreprise publique russe pour initier une action contre l’ex-sénateur en France, car la Fédération de Russie, en violation des législations françaises et internationales, n’a pas respecté un certain nombre de normes juridiques obligatoires.

Les avocats de Sergei Pougatchev ont aussi démontré, que, l’objectivité et une bonne administration de la justice ne permettent pas d’examiner la possibilité d’exéquaturer en France une décision du Tribunal de Commerce de Moscou, avant que la justice française ne puisse clore une enquête pénale contre le dirigeant de l’entreprise publique russe et avant que le Tribunal de La Haye, composé des arbitres internationaux reconnus, M. Eduardo ZULETA-JARAMILLO, M. Thomas CLAY et M. Bernardo CREMADES, rende une décision au sujet de la violation par la Fédération de Russie de ses obligations internationales dans la défense des investissements de Sergei Pougatchev en Russie. A ce titre, nous rappelons que, en 2015, avant même la tentative de la Russie de faire exécuter en France la décision du Tribunal de Commerce de Moscou, Sergei Pougatchev avait initié une procédure en arbitrage international devant le Tribunal de La Haye, contre la Fédération de Russie, dans le cadre de l’expropriation de ses actifs sur le territoire de la Fédération de Russie et des dommages qui lui avaient été causés dans d’autres juridictions, y compris en France, pour un montant minimum de 12 milliards de dollars. La décision du tribunal est attendue l’année prochaine.

Selon David Goldberg, avocat de White & Case intervenant dans l’intérêt de la Fédération de Russie devant le Tribunal arbitral de La Haye, dans le cadre de l’affaire Sergei Pougatchev contre la Russie, il s’agit là « d’un conflit personnel entre Pougatchev et Poutine ».

De plus, les avocats de Sergei Pougatchev insistent sur le fait que la tentative de faire reconnaitre la décision russe en France est un élément de plus de l’expropriation à grande échelle de ses actifs, initiée par Poutine à la fin des années 2000, début 2010.

Néanmoins, la Russie n’utilise pas que les prétoires dans sa lutte. Depuis 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris, en la personne du juge d’instruction Charlotte Bilger, examine la plainte de Sergei Pougatchev en lien avec un crime avéré, réalisé par un groupe de dirigeants de l’entreprise publique, à savoir extorsion, enlèvement et menaces de mort sur le territoire de la République Française. Après que Sergei Pougatchev ait retrouvé dans sa voiture des engins explosifs, seules des mesures permanentes de sécurité accrue, réalisées par les services spéciaux Français, lui permettent de garantir sa sécurité et celle des siens.

 

Le Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Nice, Hicham Melhem, doit rendre sa décision le 29 janvier 2019. Après cette date, le fait de savoir si la Russie peut continuer les procédures juridiques sur le territoire de la République Française, ou si son action contre Sergei Pougatchev lui sera définitivement refusée, deviendra clair.

 

Sergei Pougatchev est représenté par Maître Anne-Jessica Fauré, du cabinet parisien Cabinet De Baecque Fauré Bellec

La Fédération de Russie est représentée par Maître Thomas Rouhette, du cabinet parisien Hogan Lovells

Le service de presse de Sergei Pougatchev