Le banquier Sergueï Pougatchev s’est plaint à Vladimir Poutine des menaces reçues de Mirochnikov en cavale

Selon les informations de The Bell, l’ancien propriétaire de Mezhprombank Sergueï Pougatchev avait déjà adressé, au mois de novembre 2014, une lettre à Vladimir Poutine, dans laquelle il affirmait être victime de menaces et tentatives d’extorsion de la part de Valériy Mirochnikov, l’ex-vice-directeur de l’Agence de garantie des dépôts (ASV), et des adjoints de ce dernier.

La semaine passée Mirochnikov a démissionné de son poste dans le cadre de l’affaire de Kirill Tcherkaline, colonel du FSB. Ce dernier avait été arrêté en avril, avec en sa possession 12 milliards de roubles en cash. Après sa démission, Mirochnikov a quitté la Russie.

Lettre à Poutine. La lettre de Pougatchev adressée à Poutine (dont The Bell a pu obtenir une copie), fait partie des pièces de l’affaire actuellement examinée par la Cour d’arbitrage de La Haye. La cour a été saisie en septembre 2015 par Sergueï Pougatchev, qui a introduit une demande en arbitrage contre la Fédération de Russie pour un montant de douze millards de dollars. La première audience s’est tenue le 13 février 2017. L’ex-banquier accuse, entre autres, la Fédération de Russie de l’avoir contraint à conclure des marchés à des conditions défavorables et d’avoir spolié ses actifs.

Dans sa lettre Pougatchev identifie Valériy Mirochnikov, désormais l’ex-vice-dirigeant d’ASV, comme “l’acteur principal” de la campagne menée contre lui après le retrait de la licence bancaire de Mezhprombank et le passage de la banque sous la tutelle d’ASV.

Extrait. “Je dispose d’informations véridiques sur de nombreuses exactions dont il [Mirochnikov] est l’auteur”, écrit Pougatchev. “La plus scandaleuse parmi celles-ci est la tentative d’extorsion à mon égard, menée par un groupe organisé d’employés d’ASV et leurs complices, qui ont tenté de m’extorquer personnellement 350 millions de dollars, sous la menace de représailles physiques et de poursuites judiciaires contre moi-même et les membres de ma famille, qu’ils comptaient mener  à bien grâce à leurs relations corrompues au Comité d’enquête.”

Dans sa lettre Pougatchev indique comme motif de Mirochnikov “les crimes commis antérieurement dans un but d’enrichissement personnel”.

Dans son entretien avec The Bell Pougatchev a confirmé avoir rédigé la lettre en question et l’avoir transmise à Vladimir Poutine par le biais d’un intermédiaire désigné par le président. La lettre aurait été remise à ce dernier en main propre, affirme l’ex-banquier.

Le porte-parole du président Poutine, Dmitriy Peskov, n’a pas souhaité faire de commentaires à The Bell.

 

“350 millions ce n’est pas un prix si élevé pour votre vie”. La nature et les auteurs des menaces adressées à Pougatchev

 

Les menaces adressées à Pougatchev sont décrites dans une autre requête (dont The Bell dispose également d’une copie), introduite en 2013 auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris. Dans cette requête Sergueï Pougatchev expose les “faits d’enlèvement, menaces de mort, extorsion et escroquerie”. L’ex-propriétaire de Mezhprombank met en cause plusieurs individus, dont Mirochnikov lui-même, l’ancien employé d’ASV Aleksandr Dounaïev et un certain Mikhaïl Bachmakov, qui, selon Pougatchev, aurait également des liens avec l’Agence. La requête affirme que ces personnes auraient adressé des menaces mort et de représailles à Pougatchev. Sergueï Pougatchev a également mentionné ces menaces dans un entretien accordé hier à l’édition russe de Forbes. Les individus susmentionnées ont été désignés comme suspects dans l’affaire pénale instruite en France, a affirmé Sergueï Pougatchev dans l’entretien avec The Bell.

La requête offre aussi une description de la première entrevue entre Pougatchev, d’une part, et Bachmakov et Dounaïev, d’autre part, qui a eu lieu le 3 juin 2011 à bord d’un yacht au large des côtes françaises, après que la licence de Mezhrpombank a été retirée et que Pougatchev a fui la Russie.

C’est lors de cette entrevue que les interlocuteurs d’ASV, aux dires de Pougatchev, l’auraient menacé en ces termes: “350 millions ce n’est pas un prix si élevé à payer pour votre vie et la vie de vos proches”.

“Ce n’était pas une conversation civilisée mais d’authentiques menaces”, raconte Sergueï Pougatchev. “Ils m’ont promis de m’envoyer un doigt de mon fils, directement sur mon yacht. J’étais là quand ils ont appelé Mirochnikov au téléphone; il le tutoyaient et l’appelaient par son prénom, ils étaient à l’évidence très liés.” Il signale par ailleurs que Bachmakov et Dounaïev lui ont plusieurs fois indiqué qu’ils avaient des relations au FSB.

La requête de Sergueï Pougatcehv cite les propos de ses interlocuteurs sur le yacht: “Vos enfants habitent à l’étranger, à Monaco, à Londres et à Paris, et vous vous imaginez sans doute que vous êtes hors d’atteinte”, aurait dit l’un d’eux.

La requête indique que Pougatchev a été menacé de mort sur son yacht s’il refusait de payer 350 millions de dollars à Mirochnikov et à Roman Trotsenko (qui occupait à l’époque le poste de président des chantiers navals d’Etat Obiédinennaïa sudostroitelnaïa kompania; cette société était en train de racheter à la Banque centrale les chantiers ayant appartenu à Mezhprombank – note de la rédaction). A la date de la présente publication Trotsenko n’a pas pu être joint par téléphone ou SMS par le correspondant de The Bell.

Dans l’entretien avec The Bell Sergueï Pougatchev donne son interprétation de la proposition qui lui avait été faite. Il était convenu avec la Banque centrale et le gouvernement de la cession de ses actifs navals. Plusieurs scenarios étaient envisagés: on lui proposait, par exemple, d’acquérir une banque de taille moyenne, à laquelle la Banque centrale aurait octroyé un prêt d’un montant correspondant à la valeur des actions détenues; la banque aurait fait défaut sur le prêt, et l’affaire était réglée. Mais en fin de compte le plan a changé: il a été décidé d’octroyer un prêt à Mezhprombank, dont Pougatchev devait se porter caution, avec un nantissement de ses actifs navals en garantie. L’estimation de la valeur des actifs était régulièrement revue; le montant retenu en fin de compte était de 3,5 milliards de dollars.

Presqu’aussitôt après la conclusion de l’affaire Mezhprombank a perdu sa licence et, à l’issue de plusieurs actions en justice, les actifs nantis ont été mis en recouvrement. Les 350 millions de dollars devaient être, selon Pougatchev, une rémunération versée à ASV et à Mirochnikov pour qu’ils contestent la transaction. Pougatchev a refusé de payer, pour la raison qu’ils “devaient contester la transaction de toute manière, c’est leur travail”. Selon lui, si la transaction avait pu être contestée, une partie des actions serait restée acquise à la Banque centrale au titre de la dette de Mezhprombank, mais le reste aurait été reversé à la masse de faillite, et il en aurait “recouvré au moins une partie en tant que garant”. “Leur proposition c’était comme s’ils m’avaient dit: tu as pour cent mille dollars de mobilier dans ton appartement; tu nous donnes dix pour cent, et on ne va pas incendier ton appartement”, explique l’ancien banquier. “Ils ne me proposaient pas un marché, ils ne garantissaient rien, il voulaient simplement extorquer de l’argent.”

Selon Pougatchev, il aurait appris l’identité de Mirochnikov un an seulement avant l’épisode sur le yacht; ils ne s’étaient jamais croisés auparavant. Après le retrait de la licence bancaire de Mezhprombank Pougatchev a commencé à recevoir des coups de fil d’ASV lui proposant de rencontrer Mirochnikov, raconte le banquier à The Bell.

Pougatchev aurait laissé toutes ces propositions de “coopération” sans réponse.

Bachmakov et Dounaïev ont été mis en examen en 2012 dans une affaire à retentissement impliquant la vente d’immeubles historiques dans le centre de Moscou. Le montant total des fonds détournés était estimé à 10 milliards de roubles. Bachmakov occupait à ce moment-là un poste à l’Agence de garantie des dépôts, et Dounaïev était directeur de l’entreprise de gestion Proïekt; d’après l’enquête ils se seraient approprié 120 immeubles et bâtiments, dont 28 étaient classés monuments historiques. Presque tous les prévenus ont d’abord été placés en détention; certains, dont Dounaïev, étaient recherchés. Toutefois deux ans plus tard, en 2014, le tribunal a retourné l’affaire à la Procurature et les prévenus ont été libérés. Malgré cela Aleksandr Dounaïev, contre lequel un avis de recherche international avait été lancé, a été arrêté en Israël.

 

“Encore un émissaire de Mirochnikov”: une conversation à Paris

 

Une autre personne figure également dans les pièces fournies au Tribunal de Paris et à la Haute Cour de Londres: un certain Gore Khétchoïan, homme d’affaires, que Pougatchev désigne comme un “émissaire de Mirochnikov”. Selon Pougatchev c’est l’ancien vice-maire de Moscou, Vladimir Réssine, député de la Douma à l’époque des faits, qui lui aurait conseillé par téléphone de rencontrer Khétchoïan. C’est précisément Khétchoïan qui a organisé l’entrevue qui eut lieu sur le yacht: en mai 2011 il est venu en France et a promis à Pougatchev d’organiser une rencontre avec Mirochnikov. Mais le jour indiqué c’est Dounaïev, Bachmakov et Khétchoïan lui-même qui se sont présentés.

En janvier 2012 Pougatchev et Khétchoïan se sont revus, cette fois-ci à l’hôtel George V à Paris à quelques centaines de mètres de l’Arc de Triomphe. Khétchoïan est revenu à la question des 350 millions au nom d’ASV. L’enregistrement de cette conversation (dont The Bell dispose également) fait aussi partie des pièces a conviction dans l’affaire diligentée contre Mirochnikov en France. En voici un extrait:

Sergueï Pougatchev (SP): Ecoute, j’ai une question pour commencer. […] Ce Micha, qui est-ce?

Gore Khétchoïan (GK): Bachmakov, […] d’ailleurs c’est son sobriquet “Bachmak”.

SP: Et qui est-il? Il est employé là-bas [à ASV]?

GK: Oui, officiellement. […] Le deuxième qui était là, c’est Sacha Dounaïev. Dounaïev, c’est une sorte de structure qui leur sert à évacuer les actifs. […] Ils y ont une société, bien établie […] pour ce que j’en ai compris, ils passent en revue les banques, puis, parfois, ils les escroquent.

SP: Oui, je comprends. Un petit business, pour ainsi dire.

GK: Donc on a les protagonistes, d’accord? Ça c’est Marina [Zinoviéva, adjointe du vice-directeur d’ASV à la date des faits] et Valéra [Valériy Mirochnikov].

SP: Et ces gars-là [Dounaïev et Bachmakov], c’est Valéra qui les contrôle, ou bien non?

GK: Oui, eux c’est Valéra.

 

“Les personnes indéterminées pourraient être déterminées rapidement”. Apparition du colonel du FSB Tcherkaline

 Actuellement Khétchoïan, qui a été déclaré en faillite il y a peu, dirige l’équipe de basketball “Dynamo” (traditionnellement associé au FSB); le conseil de surveillance de “Dynamo” compte parmi ses membres Nikolaï Patrouchev (directeur actuel du FSB – note du traducteur). Mais les liens de Mirochnikov avec les services ne se limitent pas à cela, selon l’avis de Sergueï Pougatchev. Assez rapidement après l’entrevue sur le yacht, en 2012, les représentants de Pougatchev à Moscou ont été contactés par des membres de la section “K” du FSB. Aux dires de Pougatchev il y avait parmi eux Kirill Tcherkaline et Dmitry Frolov (les deux ont été placés en détention en avril de cette année dans le cadre d’une affaire d’escroquerie à grande échelle et de corruption). Quant à Mirochnikov, immédiatement après l’arrestation de Tcherkaline il a quitté la Russie.

Extrait: “A l’époque une enquête pénale avait été ouverte pour détournement des fonds de Mezhprombank contre un groupe de personnes indéterminées. On m’a clairement fait comprendre que ces personnes indéterminées pour être déterminées très rapidement et que je pourrais en faire partie”, raconte Pougatchev.

On aurait fait voir au représentant de Pougatchev, selon ses propres dires, “un projet de plainte pénale, où il ne restait plus qu’à inscrire la date et apposer une signature”. Pour que cela ne se produise pas, les gens du FSB auraient réclamé 20 millions.

Pougatchev déclare avoir refusé de payer et, en conséquence, il a été effectivement mis en examen dans l’affaire de faillite de Mezhprombank. En outre, dans ses conversations avec les représentants de Pougatchev Tcherkaline aurait mentionné Mirochnikov, en faisant référence à “Valéra et moi”; mais il aurait également sous-entendu que, tout en étant liés, ils pouvaient, en cas de besoin, agir indépendamment l’un de l’autre.

Dans son entretien avec The Bell Pougatchev a ajouté que de telles propositions de la part de Tcherkaline ont continué à lui parvenir jusqu’à récemment.

“Les dépositions de Pougatchev ne contiennent pas un gramme de vérité”. Témoignages de Mirochnikov devant la justice

Mirochnikov a témoigné devant la cour de Londres (dépositions dont dispose The Bell). Il y a affirmé que les “dépositions de Pougatchev ne contiennent pas un gramme de vérité”. Toutefois, de son propre aveu, Mirochnikov aurait bien rencontré Khétchoïan au sujet d’un “éventuel rachat et utilisation des actifs versés à la masse de faillite de la banque gérée par ASV”. Mais ces entrevues étaient sans aucun rapport avec Pougatchev, a-t-il affirmé. Mirochnikov a également confirmé connaître personnellement Bachmakov et Dounaïev. En revanche ASV n’aurait jamais envoyé Bachmakov en mission à l’étranger (où a eu lieu l’entrevue sur le yacht); quant à Dounaïev, Mirochnikov n’a pas été en contact avec lui depuis “plus de deux ans”. Ainsi, en octobre 2014 Mirochnikov a déclaré au tribunal qu’il ignorait tout de leurs négociations avec Pougatchev.

Après la démission et le départ à l’étranger de Mirochnikov, ce dernier est resté injoignable par téléphone. Selon les données publiées par Kommersant, Mirochnikov serait mis en examen dans l’affaire du colonel du FSB Kirill Tcherkaline, ce dernier ayant été arrêté au mois d’avril en possession de la somme de 12 milliards de roubles en espèces. Il est mis en examen pour escroquerie à grande échelle.

 

La faillite de Mezhprombank et les accusations portées contre Pougatchev

En 2010 Mezhprombank s’est vu retirer sa licence bancaire, et Pougatchev a fui la Russie.

D’après l’enquête, les prêts octroyés à Mezhprombank par la Banque centrale pour un montant de 32 milliards de dollars auraient été détournés à travers un montage de sociétés off-shore (Pougatchev, lui, affirme avoir uniquement transféré ses propres fonds depuis son compte correspondant à la banque VTB et conteste également le montant en cause).

A la suite d’une requête introduite par ASV, le tribunal de commerce de la ville de Moscou a condamné Pougatchev et les ex-gérants de la banque à la responsabilité subsidiaire pour le passif de Mezhprombank pour un montant de 76 milliards de roubles.

Le comité d’enquête a accusé Pougatchev de détournement de fonds à grande échelle et d’abus de pouvoir. Sergeï Pougatchev est recherché par la justice et condamné à une peine de prison par contumace.

A la suite d’une requête introduite par ASV devant la Haute Cour de Londres, la justice anglaise a ordonné le gel des avoirs internationaux de Pougatchev pour un montant de 2 milliards de dollars; certains de ces avoirs ont déjà été vendus. Ainsi, par exemple, en 2018 le tribunal a ordonné la saisie de l’hôtel particulier de Sergueï Pougatchev à Londres, estimé à près de 9 millions de livres sterling. ASV affirme que le produit a été versé dans la masse de faillite.

Le tribunal a également assigné Pougatchev à résidence en Angleterre et Pays de Galles, mais Pougatchev a pu quitter le territoire britannique pour la France. Il explique sa fuite par le danger de mort auquel il était exposé en Angleterre. La Haute Cour a également condamné Pougatchev à deux ans d’emprisonnement pour outrage au tribunal.

 

Quelle suite?

 Les pièces de l’affaire “française” contre Mirochnikov et les autres représentants d’ASV sont actuellement examinées par le juge d’instruction (l’équivalent français de l’enquêteur en Russie), rapporte Pougatchev. Il dit qu’en septembre 2019 la commission d’enquête doit décider de renvoyer ou non l’affaire devant le tribunal; le cas échéant, Mirochnikov risque d’être requalifié en suspect.

A la fin de la lettre adressée à Poutine, Pougatchev mentionne que les liens personnels de longue date qui l’unissent au président russe sont “l’unique recours pour garantir une enquête équitable en Russie”. En réalité la lettre n’a rien changé à l’affaire, avoue Pougatchev. Elle est restée sans réponse.

La prochaine audience à La Haye dans l’affaire d’arbitrage est prévue pour le mois de novembre 2019.

 

Anastasia Stogney, avec Valéria Pozytchaniouk

Le 25 mars 2019, le Tribunal de Grande Instance de Nice a fait droit à la demande de l’ex-sénateur Sergeï Pougatchev contre la Fédération de Russie.

Le 25 mars 2019, le Tribunal de Grande Instance de Nice a fait droit à la demande de l’ex-sénateur Sergeï Pougatchev contre la Fédération de Russie.

Aujourd’hui, le 25 mars 2019, la deuxième chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Nice a fait droit à la demande de l’ex-sénateur Sergeï Pougatchev contre la Fédération de Russie prise en la personne de l’agence gouvernementale ASV, qui, de plus, a été condamnée aux dépens.

Une fois encore, la Russie a essayé de commettre un abus de droit, en utilisant les juridictions étrangères pour persécuter M. Pougatchev, qui, en 2015, a intenté une action contre la Russie devant la Cour de La Haye pour des faits d’expropriation de ses actifs pour une somme de 12 milliards de dollars.

En 2015, un tribunal russe a rendu une décision illégale de recouvrement auprès de M. Pougatchev d’une somme de plus de 75 milliards de roubles, et l’agence gouvernementale ASV a intenté une action contre M. Pougatchev devant les juridictions françaises avec le but de s’emparer de ses actifs.

Il est de notoriété publique que la Russie utilise son système judiciaire pour poursuivre ses opposants politiques.

Le 25 mars, le tribunal français a souligné que la décision en reconnaissance de la responsabilité matérielle, prise par le tribunal russe, envers l’ex-sénateur Pougatchev le 30 avril 2015 était illégale, comme toutes les autres décisions prises dans cette affaire, entre 2012 et 2016, dans la mesure où le tribunal russe n’a pas examiné l’affaire en formation collégiale, comme le veut la législation.

M. Pougatchev estime que cette affaire a été fabriquée contre lui en réponse à sa demande devant la Cour de La Haye contre la Russie pour un montant de 12 milliards de dollars et que toutes les actions du pouvoir russe contre lui sont politiquement motivées. Depuis quelques années, les autorités russes poursuivent l’ex-sénateur devant les tribunaux étrangers en utilisant une décision partisane qui plus est illégale.

Cependant, les tribunaux étrangers et organisations internationales indépendantes du Kremlin ont, à plusieurs reprises, refusé de poursuivre M. Pougatchev. En 2015, la commission d’Interpol a exclu son nom de la base d’Interpol, établissant qu’il était poursuivi pour des motifs politiques.

La deuxième chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Nice a établi que la décision du tribunal russe du 30 avril 2015 en recouvrement auprès de M. Pougatchev d’une somme de 75 milliards de roubles a été rendue en violation profonde de la législation russe. Ainsi, la décision du 30 avril 2015 est illégale en Russie et ne peut avoir de conséquences judiciaires au-delà de ses frontières.

L’agence gouvernementale ASV a déjà dépensé 2.9 milliards de roubles pour faire appliquer la décision illégale russe devant les juridictions étrangères. Par ses actions, l’agence a porté un préjudice matériel conséquent à M. Pougatchev.

Les avocats de M. Pougatchev préparent une action contre l’agence gouvernementale ASV pour la compensation de son préjudice matériel résultant des actions illégales de l’agence gouvernementale devant différentes juridictions. En 2014, l’agence gouvernementale ASV a volontairement pris sur elle l’obligation de rembourser à M. Pougatchev des possibles dommages qui pourraient lui être causés, dans la limite de 75 millions de dollars.

L’obligation de l’agence gouvernementale ASV a été approuvée par la Haute Cour de Londres le 11 juillet 2014.

Le service de presse de Sergeï Pougatchev

Sergueï Pougatchev, heureux comme un ex-oligarque russe en France

Le TGI de Nice vient de donner raison à l’ex-oligarque russe naturalisé français Sergueï Pougatchev contre l’Agence russe pour l’assurance des dépôts, qui prétendait saisir ses biens dans l’Hexagone. De quoi faire dire à l’ex-patron d’Hédiard qu’il a bien fait de s’exiler en France, lui qui s’affirme victime de persécution du Kremlin. Rencontre.

Il vit retranché, sous la protection de gardes du corps, dans sa luxueuse résidence niçoise – le très cossu Château 1900 de Gairaut, niché sur une colline, avec vue imprenable sur la Baie des Anges. Retranché, mais heureux, l’ex-flamboyant entrepreneur, surnommé au temps de Eltsine « le banquier du Kremlin », Sergeï Pougatchev savoure sa victoire. « On ne saurait trop insister sur l’importance de cette décision du tribunal français. Elle n’a pas de précédent dans la mise en lumière de l’arbitraire en vigueur en Russie, où le régime de Poutine a pratiquement détruit tout le système judiciaire qu’il utilise pour harceler ses ennemis personnels et ceux de son entourage», s’enflamme l’ex-oligarque, naturalisé français en 2009, depuis le bar d’un grand hôtel niçois.

Le TGI de Nice a débouté l’Agence pour l’assurance des dépôts (AAD) qui réclamait la saisie des biens de Sergueï Pougatchev sur la Côte d’Azur – outre le château de Gairaut, un chalet dans la station ski de Valberg, un yacht et des propriétés à Saint-Jean-Cap-Ferrat. « Le recouvrement auprès de M. Pougatchev de plus d’1 milliard de dollars a été rendu en violation flagrante de tous les droits de la défense. Illégale en Russie, cette décision ne peut entraîner aucune conséquence juridique au-delà de ses frontières », assure Me Anne-Jessica Fauré, l’avocate de M. Pougatchev. Sollicitée pour un entretien, Me Christelle Coslin, représentant l’AAD, s’est contentée d’indiquer par mail que son client « fera appel de la décision rendue le 29 janvier 2019 ». Une réaction que Sergueï Pougatchev accueille d’un haussement d’épaules : « Les avocats ont toujours intérêt à faire appel… Mais dans le jugement moscovite, les irrégularités sont nombreuses », rétorque-t-il.

Sosie d’Alexandre III

Grand, mince et élégant, d’une ressemblance frappante avec le tsar Alexandre III, Pougatchev, orthodoxe pratiquant et père de cinq enfants, est aux antipodes du profil habituel des nouveaux riches russes. Cultivé, cet observateur attentif de l’actualité politique, en France comme en Russie, est devenu un critique virulent du régime moscovite. Il tutoyait pourtant Vladimir Poutine, son voisin de datcha, et leurs enfants se fréquentaient. Mais ça, c’était avant… Aujourd’hui, il dit voir en lui « un personnage sans avis ni convictions, prêt à tout pour rester au pouvoir. Otage de son entourage, jaloux de la réussite des autres, il se rallie toujours à l’avis de la majorité. J’étais le seul à le critiquer, et il ne me l’a pas pardonné », prétend-il, dans un soupir.

Ce qui est certain, c’est que notre homme a beaucoup perdu. Depuis la faillite, en 2010, de la banque Mejprombank qu’il avait cofondée en 1992, Pougatchev a été contraint, entre 2010 et 2014, à vendre à vil prix à des proches du Kremlin tous ses avoirs en Russie — notamment les chantiers navals à Saint-Pétersbourg, pressentis pour construire le fameux Mistral, un complexe immobilier près de la place Rouge et une mine de charbon en Sibérie. « Une expropriation pure et simple », selon lui.

Ancien sénateur

Depuis 2014, l’AAD le poursuit jusqu’en Angleterre et en France, l’accusant d’avoir « siphonné » à son profit un prêt de 1,15 milliard de dollars, accordé par la Banque centrale à sa banque pour la renflouer. Des accusations que l’ex-banquier nie farouchement –arguant de son retrait de Mejprombank dès 2001, lorsqu’il a été élu sénateur de Touva. Pour lui, ces poursuites sont en fait la réponse du Kremlin à la plainte qu’il a déposée en2015 – trois ans après avoir renoncé à la citoyenneté russe — auprès de la Cour d’arbitrage de La Haye : s’estimant spolié, il réclame 12 milliards d’euros à la Fédération de Russie.

La victoire obtenue devant le TGI de Nice réjouit d’autant plus le néo-châtelain niçois qu’Outre-Manche, de récentes décisions de justice lui ont été tout sauf favorables. En effet, après son départ de Russie en 2011, l’AAD avait obtenu de la Haute Cour de Londres le gel de ses avoirs en Grande-Bretagne. L’accusant d’« outrage à la cour », pour lui avoir dissimulé certains de ses avoirs, la Haute Cour le condamnait à la peine maximum de deux ans de prison. « C’est absurde ! Absent de Londres, je n’ai pas pu me défendre », plaide Pougatchev.

Entre temps, le nabab déchu avait en effet quitté Londres pour la France, invoquant des craintes pour sa sécurité, suite à la découverte d’engins suspects sous sa voiture. Il réside depuis lors à Nice et se consacre à la gestion de ses affaires judiciaires. « En Angleterre, la justice n’est pas indépendante. Elle est comme sourde et aveugle, c’est une machine à consommer des frais d’avocats », déplore-t-il. Pis, « loin d’être le paradis démocratique que j’imaginais, et en dépit du froid diplomatique anglo-russe, l’influence du Kremlin est grande à Londres, via les nombreuses grosses fortunes russes qui y vivent avec femmes, enfants et avoirs ». Le Français d’adoption assure donc ne pas regretter la capitale britannique. « J’y allais car mes trois plus jeunes enfants y vivent. »

« Liste noire du Kremlin »

« En France, il y a une justice », poursuit-il. S’y sent-il pour autant en sécurité ? « Je suis sur la liste noire du Kremlin et ne peux donc me sentir nulle part en sécurité. Mais je me sens ici chez moi. Je m’y suis installé avec ma famille en 1994, après quelques années aux Etats-Unis. Mes parents sont enterrés ici, ma sœur y vit, mes fils aînés y ont grandi et mes cinq petits-enfants y sont nés », énumère-t-il.

Plus à l’aise en anglais que dans la langue de Molière, Pougatchev n’en est pas moins féru de l’art de vivre hexagonal. En revanche, ses affaires engagées sur notre territoire ne lui ont pas porté chance. Pas plus qu’aux employés de l’épicerie de luxe Hédiard, rachetéeen 2007, et du quotidien France-Soir, acquis deux ans plus tard et dont il avait confié la gestion à son fils cadet Alexandre : les deux entreprises ont périclité. « J’ai investi 150 millions d’euros dans Hédiard, et développé la marque dans le monde entier. Mais quand Poutine, qui a toujours été hostile à ce projet – il m’a plusieurs fois reproché de ne pas investir en Russie – a fait geler mes comptes, j’ai dû me retirer, à mon grand regret. » A l’écouter, Poutine serait responsable d’absolument tous ses malheurs. Et pour France-Soir aussi ? « C’était le projet de mon fils, qui voulait en faire une version uniquement digitale, mais l’équipe ne l’a pas suivi », balaye-t-il.

Symbole de l’argent fou capté après la chute du Mur de Berlin, Pougatchev, qui se revendique macroniste, n’en considère pas moins avec bienveillance le mouvement des Gilets jaunes. « C’est la démocratie directe : les gens manifestent, s’expriment et sont entendus, lors de débats organisés. C’est absolument impensable dans la Russie poutinienne ! » Poutine, encore et toujours. Qui sait, peut-être que les années passées dans cette France qu’il dit tant apprécier finiront-elles par lui faire oublier ce cher Vladimir ?

Source…

La Russie veut liquider les biens du milliardaire russe sur la Côte d’Azur… Il gagne une première bataille judiciaire

Un juge civil niçois a déclaré nulle, ce mardi, l’assignation de l’Agence pour l’assurance des dépôts (AAD) qui réclamait, entre autres, la saisie sur la Côte d’Azur des biens du milliardaire russe Sergueï Pougatchev, 56 ans.

L’oligarque, ancien propriétaire en France des épiceries fines Hediard et du quotidien France soir, possède le château de Gairaut à Nice, un chalet à Valberg, un yacht et des propriétés à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Sergueï Poutachev, jadis surnommé le banquier d’Eltsine, ancien capitaine d’industrie omnipotent, se plaint désormais de figurer sur la liste noire du président Poutine.

Depuis la déconfiture en 2010 de la banque Mejprombank, fondée par l’oligarque en 1990, la justice russe lui réclame 1,14 milliard d’euros. Le tribunal de commerce de Moscou espère l’exequatur (c’est-à-dire l’exécution) de ce jugement en France.

>> RELIRE. Château de Gairaut, chalet à Valberg, super yacht, propriétés au Cap-Ferrat… La Russie veut saisir les biens d’un milliardaire russe sur la Côte d’Azur

L’agence russe déboutée

Cela paraît mal engagé. Le tribunal de grande instance de Nice a débouté l’AAD. « C’est une agence gouvernementale. Elle n’a pas le pouvoir de représenter la banque en cours de liquidation, enfonce Me Anne-Jessica Fauré. Cet organisme n’a pas le pouvoir d’intenter une action contre mon client en France. » Le conseil de Sergueï Pougatchev qualifie l’agence de « bras armé » de Vladimir Poutine.

« Décision illégale en Russie »

L’avocate parisienne dénonce une procédure aux arrière-pensées politiques : « On reproche la faillite de la Mejprombank à M. Pougatchev qui n’était plus dirigeant depuis 2003. La personne qui l’accuse d’avoir été le dirigeant de fait a été, comme par hasard, non seulement libéré mais embauché dans une autre banque. »

Dans un communiqué diffusé ce mardi soir, les communicants de l’oligarque contre-attaquent : «Toutes les procédures judiciaires des autorités russes ne sont rien d’autre que des tentatives de la Russie d’empêcher l’examen de la plainte de M. Pougatchev contre la Russie devant [la cour arbitrale] de La Haye [Pays-Bas]

« violation flagrante de la législation »

Le service de presse souligne que « le recouvrement auprès de M. Pougatchev de plus d’1 milliard de dollars a été rendu par un juge unique et non par trois juges, en violation flagrante de la législation. Cette décision est donc illégale en Russie et ne peut entraîner aucune conséquence juridique au-delà de ses frontières. »

Le 21 septembre 2015, l’homme d’affaires retiré à Nice a intenté une action contre la Fédération de Russie pour dénoncer « l’expropriation de ses actifs par le pouvoir russe au début des années 2000. »

Le cabinet d’avocats Betto Serglini réclame au nom de l’oligarque plus de 10 milliards d’euros. Une bataille vient de se terminer à Nice mais la guerre Pougatchev-Poutine est très loin d’être close.

Source…

Le TGI de Nice a satisfait la demande de Sergueï Pougatchev contre la Fédération de Russie

Aujourd’hui, le 29 janvier 2019, le TGI de Nice a satisfait la demande de Sergueï Pougatchev contre la Fédération de Russie (prise en la personne d’une agence gouvernementale).

En 2018, Sergueï Pougatchev a initié une action devant le TGI de Nice contre la Fédération de Russie sur le fondement que, selon ses avocats Maîtres Anne-Jessica Fauré et Mazvydas Michalauskas, l’agence gouvernementale qui représente la Fédération de Russie n’a pas le pouvoir d’intenter une action contre M. Pougatchev en France.

Toutes les procédures judiciaires et actions des autorités russes devant différentes juridictions contre Sergueï Pougatchev ne sont rien d’autre que des tentatives de la Russie d’empêcher l’examen de la plainte de M. Pougatchev contre la Russie devant le Tribunal de La Haye. Les actions de la Russie visent à distraire l’attention, les ressources intellectuelles et matérielles de M. Pougatchev et de ses avocats de son action à La Haye.

Le 10 décembre 2014, M. Pougatchev a intenté une action contre la Fédération de Russie devant le Tribunal de La Haye, dans le cadre du traité bilatéral sur la promotion et la protection des investissements entre la France et la Russie du fait de l’expropriation de ses actifs par le pouvoir russe au début des années 2000.
Le montant de la plainte : 12 milliards de dollars. Les intérêts de M. Pougatchev sont représentés en France par le cabinet d’avocats Betto Seraglini.

Malgré les nombreuses tentatives de la Russie et de ses avocats (White&Case, Hogan Lovells Londres) de faire trainer l’examen de la plainte, et d’initier des actions contre M. Pougatchev devant différentes juridictions, le procès suit son cours selon le calendrier établi.

Le TGI de Nice a statué que la décision du tribunal russe du 30 avril 2015 sur le recouvrement auprès de M. Pougatchev d’une somme de plus d’1 milliard de dollars a été rendue en violation flagrante de la législation (la décision a été rendue par un juge unique alors qu’elle aurait dû l’être de façon collégiale par trois juges). Cette décision est ainsi illégale en Russie et ne peut entraîner aucune conséquence juridique au-delà de ses frontières.

Le service de presse de M. Pougatchev

La guerre entre l’oligarque Pougatchev et Poutine s’importe à Nice

RÉCIT – L’homme d’affaires est aujourd’hui menacé par la Russie de la confiscation de tous ses biens en France. Rencontre avec un oligarque déchu.

À Nice

Nous étions prévenus qu’il n’était pas forcément ponctuel. C’est donc avec presque deux heures de retard que Sergueï Pougatchev a fait son entrée dans le lobby du Palais de la Méditerranée en ce soir d’orage de la fin décembre. Il ne traîne pourtant pas derrière lui la réputation détestable de certains de ses ex-compatriotes russes en villégiature sur la Côte d’Azur. Très élégant en jean et blazer bleu, chemise à rayures et mocassins en croco, l’homme à la barbe bien taillée se prête sans broncher à la séance photo dans le hall de cet hôtel de la promenade des Anglais, avant de se replier pour l’entretien, son garde du corps jamais très loin, dans un salon feutré à l’étage.

Le 29 novembre, le nom de Sergueï Pougatchev, 55 ans, est réapparu sous les radars, au tribunal de grande instance de Nice. Ses avocats sont venus y plaider un recours en nullité et un sursis à statuer dans la procédure que lui intente la Fédération de Russie pour la faillite de sa banque, la Mejprombank, en 2010. …

Premier round contre la Russie devant la Justice française

Une première audience a eu lieu, le 29 novembre, devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, dans le cadre des tentatives d’une entreprise publique russe de faire exécuter contre un citoyen français, ex-sénateur, M. Sergei Pougatchev, une décision en responsabilité subsidiaire du 30 avril 2015 du Tribunal de Commerce de la ville de Moscou.

La Mezhprombank, qui a été créée en 1992 par Sergei Pougatchev, a été déclarée en faillite en 2010, mais, à ce moment, cela faisait déjà 9 ans que l’ex-sénateur n’était plus le propriétaire de la banque et avait quitté le Conseil d’administration.

Le 30 avril 2015, le Tribunal de Commerce de Moscou a condamné Sergei Pougatchev, ainsi que trois hauts cadres de la banque, à une responsabilité subsidiaire pour les dettes de la Mezhprombank pour une somme de plus d’un milliard d’euro.

L’affaire a été examinée à juge unique par le juge I.I. Kléandrov, nonobstant le fait que la législation dispose que les affaires de faillite doivent être jugées exclusivement de façon collégiale. Le jugement rendu par le juge Kleandrov à l’issue d’une audience de 3 heures supposait que le juge puisse, en trois heures, analyser quelques 342 volumes de pièces et évaluer plus de  200 contrats passés par la banque, auxquels se référaient les représentants de la Fédération de Russie. En conséquence, toutes les décisions rendues par un juge unique ont été cassées par la Cour Suprême de la Fédération de Russie (arrêt du 19 décembre 2016).

Lors de l’audience du 29 novembre, les avocats de Sergei Pougatchev ont contesté les pouvoirs de l’entreprise publique russe pour initier une action contre l’ex-sénateur en France, car la Fédération de Russie, en violation des législations françaises et internationales, n’a pas respecté un certain nombre de normes juridiques obligatoires.

Les avocats de Sergei Pougatchev ont aussi démontré, que, l’objectivité et une bonne administration de la justice ne permettent pas d’examiner la possibilité d’exéquaturer en France une décision du Tribunal de Commerce de Moscou, avant que la justice française ne puisse clore une enquête pénale contre le dirigeant de l’entreprise publique russe et avant que le Tribunal de La Haye, composé des arbitres internationaux reconnus, M. Eduardo ZULETA-JARAMILLO, M. Thomas CLAY et M. Bernardo CREMADES, rende une décision au sujet de la violation par la Fédération de Russie de ses obligations internationales dans la défense des investissements de Sergei Pougatchev en Russie. A ce titre, nous rappelons que, en 2015, avant même la tentative de la Russie de faire exécuter en France la décision du Tribunal de Commerce de Moscou, Sergei Pougatchev avait initié une procédure en arbitrage international devant le Tribunal de La Haye, contre la Fédération de Russie, dans le cadre de l’expropriation de ses actifs sur le territoire de la Fédération de Russie et des dommages qui lui avaient été causés dans d’autres juridictions, y compris en France, pour un montant minimum de 12 milliards de dollars. La décision du tribunal est attendue l’année prochaine.

Selon David Goldberg, avocat de White & Case intervenant dans l’intérêt de la Fédération de Russie devant le Tribunal arbitral de La Haye, dans le cadre de l’affaire Sergei Pougatchev contre la Russie, il s’agit là « d’un conflit personnel entre Pougatchev et Poutine ».

De plus, les avocats de Sergei Pougatchev insistent sur le fait que la tentative de faire reconnaitre la décision russe en France est un élément de plus de l’expropriation à grande échelle de ses actifs, initiée par Poutine à la fin des années 2000, début 2010.

Néanmoins, la Russie n’utilise pas que les prétoires dans sa lutte. Depuis 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris, en la personne du juge d’instruction Charlotte Bilger, examine la plainte de Sergei Pougatchev en lien avec un crime avéré, réalisé par un groupe de dirigeants de l’entreprise publique, à savoir extorsion, enlèvement et menaces de mort sur le territoire de la République Française. Après que Sergei Pougatchev ait retrouvé dans sa voiture des engins explosifs, seules des mesures permanentes de sécurité accrue, réalisées par les services spéciaux Français, lui permettent de garantir sa sécurité et celle des siens.

 

Le Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Nice, Hicham Melhem, doit rendre sa décision le 29 janvier 2019. Après cette date, le fait de savoir si la Russie peut continuer les procédures juridiques sur le territoire de la République Française, ou si son action contre Sergei Pougatchev lui sera définitivement refusée, deviendra clair.

 

Sergei Pougatchev est représenté par Maître Anne-Jessica Fauré, du cabinet parisien Cabinet De Baecque Fauré Bellec

La Fédération de Russie est représentée par Maître Thomas Rouhette, du cabinet parisien Hogan Lovells

Le service de presse de Sergei Pougatchev

S. Pougatchev parle de l’arrestation de Khodorkovsky, des origines du business Russe en Grande-Bretagne, et des tribunaux londoniens.

“Je lui avais recommandé de quitter la Russie avec l’argent”. L’ex-conseiller de Poutine, Sergueï Pougatchev, parle de l’arrestation de Khodorkovsky, des origines du business russe en Grande-Bretagne et des tribunaux londoniens. 

 

Il y a 15 ans, le 25 octobre 2003, Mikhaïl Khodorkovsky a été arrêté. A cette époque, en 2003, Sergueï Pougatchev n’était pas un émigré en exil, comme aujourd’hui, mais le banquier de confiance et un proche de Vladimir Poutine. La semaine passée, Pougatchev a été contraint par la Haute cour de Londres de vendre son hôtel particulier londonien pour payer les créanciers. Les intérêts de ces derniers sont représentés par l’agence russe de garantie des dépôts, autrement dit, par ce même Etat dont Pougatchev fut jadis si proche. Mikhaïl Fischman s’est entretenu avec Pougatchev au sujet de son procès, de la situation actuelle des oligarques russes en Occident et de cette journée historique du 25 octobre 2003.

 

Sergueï, dites-nous s’il vous-plaît, comment devons nous comprendre la décision de justice? A-t-elle été rendue ou non? Est-ce que votre maison de Londres est confisquée ou non? La requête des plaignants russes, à savoir l’Agence de garantie des dépôts, a elle été satisfaite par le tribunal ou pas? Expliquez-nous.

Bonsoir, Mikhaïl. A ce moment précis, à ce jour, il n’existe pas de décision finale, aucune décision officielle. Quelque chose a été annoncé en audience, mais je n’ai malheureusement pas pu participer à l’audience à cause d’un refus opposé par le juge. Pendant un certain temps, deux bonnes heures, le magistrat et la cour, qui était tenue de mettre en place un lien vidéo, nous faisait savoir qu’il y avait certains problèmes techniques, puis on nous a finalement dit que le juge refusait de m’entendre, malgré ma qualité de premier défendeur dans ce procès.

Et donc? Qu’en est-il en fin de compte? Qui a gagné, finalement? Qui gagne à ce jour? Vous perdez?

C’est une question compliquée. Il n’y a pas encore de décision, je le répète. La vraie question ici, ce n’est pas de savoir si l’on gagne ou si l’on perd; je ne sais pas quelle sera la décision finale, mais la vraie question c’est que, à proprement parler, l’Agence de garantie des dépôts, qui représente la Fédération de Russie, poursuit, pour ainsi dire, l’expropriation, qui a commencé à la date mémorable, il y a quinze ans, par l’expropriation des actifs de IOUKOS. De fait, c’est cela qui se poursuit. Simplement les formes ont un peu évolué entre-temps, cela passe désormais par une manipulation de la justice occidentale, en particulier britannique. Parce que la Haute Cour de Londres, est très aimée, pour ainsi dire, non tant par les Russes, je dirais, mais par la Fédération de Russie qui l’aime beaucoup.

Je vous reposerai la question séparément, mais dans votre mémoire en défense – le voici, je l’ai sous les yeux – vous dites sans détours que vous êtes persécuté en Russie pour des motifs politiques,  qu’on veut vous spolier de vos actifs pour des raisons politiques, vous prendre des avoirs qui, d’une façon ou d’une autre, vous appartiennent. Il semblerait que l’Occident, aujourd’hui, selon une logique commune – l’Occident et en particulier la Grande-Bretagne, la justice britannique, en l’occurence – devait être de votre côté. Or, cela ne semble pas être le cas.

Je ne suis pas tout à fait d’accord. Ce qui se passe au niveau médiatique, pour ainsi dire, et les accusations mutuelles échangées au plus haut niveau, tout cela n’a rien à voir avec le système judiciaire, ni avec les activités économiques, rien du tout. Il faut bien comprendre qu’en Grande-Bretagne, spécifiquement – à la différence de la France, par exemple, qui se conforme au droit civil – c’est le règne de la common law anglo-saxonne; autrement dit ce sont les avocats les plus onéreux, c’est un business qui se chiffre en milliards. Et c’est quelque chose qu’on ne va pas faire bouger simplement à cause de relations de politique extérieure entre le Royaume-Uni et la Russie. Je pense que cela prendra des années, voire des décennies.

Donc, si je vous ai bien compris, il s’agit de deux processus parallèles, en quelque sorte, n’est-ce pas? D’une part les autorités britanniques prononcent des déclarations, parlant de mettre une pression sur les hommes d’affaires de l’entourage de Vladimir Poutine, de rechercher les entrepreneurs coupables de corruption, parmi ceux qui se sont installés chez nous, au Royaume-Uni, de les… Et d’ailleurs on voit que ce processus est entamé, nous le voyons à certaines décisions. D’un autre côté, on satisfait des requêtes visant des hommes d’affaires comme vous, dans lesquelles la Fédération de Russie, dans tel ou tel avatar, est plaignante.

Oui, dans ce cas précis elle est plaignante. Et il faut bien se dire que ces accusations réciproques, même si l’on oublie les assassinats de citoyens britanniques sur le sol du Royaume-Uni, n’agissent pas si vite. Nous voyons qu’après l’adoption de la loi sur la vérification de l’origine des fonds dans les cas de montants supérieur à 50 mille livres, seules trois demandes d’information ont été adressées à ce jour, pour autant que je sache.

Bien sûr, la Grande-Bretagne, dans le contexte du Brexit et pour maintes autres raisons, est intéressée à la présence de capitaux. Elle n’a pas envie de faire fuir les investisseurs, ou même les déposants qui restent, ces gens qui ont des fonds au Royaume-Uni, dans les banques britanniques et ainsi de suite. Bien sûr, il y a la chute des prix de l’immobilier et tout le reste, toute cette rhétorique a déjà joué son rôle. Mais, évidemment, cela n’affecte pas les décisions de justice, les agissements des avocats.

Le cabinet Hogan Lovells collabore avec la Russie depuis longtemps. Ils l’ont d’ailleurs confirmé lors de l’interrogatoire, c’est leur seul business, ils ne peuvent pas, par un tour de passe-passe, se procurer d’autres clients. Et donc ils continuent. Il y a un élément intéressant, une question qui a été posée par le juge Wilson au partner du cabinet Hogan Lovells, Mike Roberts: combien il avait reçu pour cette audience. Ce dernier a dit: dix millions de livres sterling, au moindre mot. C’est un chiffre assez impressionnant, et le plus intéressant, c’est que nous n’avons pas réussi à trouver la ligne budgétaire, car c’est censé être une information ouverte de l’Agence de garantie des dépôts, qui devait financer ces dépenses.

C’est curieux. Dans ce même mémoire en défense vous écrivez que vous avez été visés par des attentats, que votre vie a été menacée. Y a eu des tentatives d’assassinat, vous êtes sur la même liste avec d’autres ennemis jurés du régime politique en Russie. Mais cela n’influe donc pas sur la position de la justice britannique, n’est-ce pas? Ce n’est nullement pris en compte dans ce procès, pour autant qu’on puisse en juger?

Absolument pas pris en compte, non. Lorsqu’il y a eu un attentat, de fait, en Grande-Bretagne, en 2015, il a été constaté par la section de lutte anti-terroriste de Scotland Yard, outre moi-même, et une affaire pénale a été diligentée, qui est actuellement en cours d’instruction en France. L’instruction se déroule en France. La Grande-Bretagne, après que j’ai quitté le territoire britannique pour revenir en France, a classé cette affaire. Définitivement classé, en dépit du fait que le crime avait été commis sur le territoire britannique. Donc non, ce n’est absolument pas pris en compte.

Vous écrivez, je cite directement, vous écrivez dans votre mémoire en défense, que “le régime russe a poussé de profondes racines dans les pays occidentaux, y compris l’Angleterre; que près de 300 mille personnes, parmi les plus fortunées de Russie, vivent ou ont placé leurs actifs en Grande-Bretagne, ce qui témoigne de l’influence considérable que Poutine exerce sur ce pays”, fin de citation. Est-ce que la situation évolue? L’influence de Poutine sur ce pays, telle que vous la décrivez… ? Les choses ont quand même l’air de beaucoup bouger, surtout depuis la fin mars, lorsque l’affaire Skripal a fait surface et a pris de la notoriété. C’est une situation qui change, selon vous, ou pas?

Je ne pense pas, non. Je pense que la situation ne change pas, et je pense qu’elle n’a pas changé. Elle n’a pas changé, elle était déjà comme cela, rappelez-vous l’affaire Litvinenko: il a fallu dix ans à sa veuve pour convaincre la justice de ne pas examiner cette affaire à huis-clos.

Je me souviens très bien. D’ailleurs je me souviens avoir lu dans la presse britannique des critiques acerbes du Ministère de l’intérieur, avec à sa tête l’actuel Premier ministre du Royaume-Uni… Ces critiques dénonçaient la lenteur de l’instruction et tout cela, et cela avait eu à l’époque une forte résonance.

Oui, au niveau politique cet échange d’accusations désagréables va évidemment se poursuivre; il faut bien se rendre compte que c’est de la politique, il y a les enjeux électoraux et tout le reste. Naturellement cela va continuer. Mais au niveau pratique, si vous voulez, cela n’a pas d’incidence. Nous savons qu’un nombre colossal de fonctionnaires, leurs enfants, dont la fortune se compte en milliards, vivent et ont des avoirs, des propriétés immobilières en Grande-Bretagne. A ce jour il n’y a toujours pas eu de revirement sensationnel.

Le fait que Bérézovsky, puis maintenant Khodorkovsky et quelques autres se soient trouvés ou se trouvent encore en Grande-Bretagne, c’est assez exotique. C’est très modeste, par comparaison avec les quelque trois cents mille personnes, parmi les plus riches, qui puisent leur revenu en Russie et dépensent cet argent au Royaume-Uni.

Oui, évidemment, je comprends très bien. Simplement il me semble que politiquement il y a une différence claire aujourd’hui. A l’époque, avec l’affaire Litvinenko, il y a eu un gel des relations diplomatiques, il y a eu des conséquences diplomatiques, mais l’affaire, comme vous venez de le dire, n’était pas instruite. Aujourd’hui, après l’attentat de Salisbury, les conséquences sont autres: Theresa May est à l’avant-garde de l’attaque menée contre la Russie, elle réclame des sanctions, en appelle aux partenaires européens, etc. Il me semble voir une différence perceptible. Sans doute cela doit-il se manifester aussi dans les pressions exercées contre le business russe corrompu en Grande-Bretagne? Ou pas?

Cela devrait se manifester, mais cela ne s’est pas encore manifesté, en aucune manière. Et je ne pense pas qu’on puisse s’attendre à quelque chose dans un avenir proche. Si quelque chose comme cela survient, je pense que ce sera une véritable sensation. Nous savons que des amis de Poutine, des gens qui ont amassé des fortunes immenses en Russie, continuent de vivre heureux et tranquilles en Grande-Bretagne et ont d’ailleurs des contacts avec l’élite dirigeante. Regardez: le Times a récemment écrit dans un article que de nombreux représentants de l’élite britannique font du lobbying pour améliorer les relations avec la Russie. Cela veut dire que pendant ces années, pendant les quelque vingt ans du règne de Poutine, la Russie a tellement renforcé ses positions en Grande-Bretagne, que ce n’est pas une déclaration de Theresa May qui va briser quelque chose, c’est pratiquement impossible.

Encore une citation. Vous dites: “Poutine m’a personnellement parlé de son intention d’acquérir le club de football Chelsea, pour accroître son influence et améliorer l’image de la Russie, non seulement auprès des classes dirigeantes mais aussi auprès du citoyen britannique ordinaire”. Vous voulez, vraisemblablement, parler du début des années 2000, vers 2002-2003, n’est-ce pas?

Oui, avant l’acquisition…

Oui, avant que Roman Abramovitch n’achète le club Chelsea. On entend actuellement des rumeurs, comme quoi il serait actuellement obligé de la vendre. Même si Sky News vient de démentir cette information, les rumeurs se multiplient, on voit apparaître des prétendants à l’achat. Mais donc, cela aurait été une histoire politique dès le début, c’est cela que vous voulez dire?

Indéniablement, oui. Je pense que c’était une sorte d’opération spéciale pour s’intégrer dans la société britannique, mais non plus au niveau de l’élite dirigeante, mais, comme l’a dit Poutine, pour améliorer l’image de la Russie et les relations avec l’anglais lambda. Poutine estime que l’opération a été un succès, et je pense qu’il faut lui donner raison: cela a assez bien marché, cette intégration “par centres d’intérêt”, pour ainsi dire. En effet, les Anglais adorent le football, et cela a plutôt bien fonctionné.

Oui, mais maintenant on se retrouve dans une situation où il est au contraire question qu’Abramovitch se sépare de Chelsea. Et donc, quelle impression cela vous fait?

Je pense que c’est lié, avant tout, sans doute, à sa situation personnelle. Comme ci ou comme ça, il en reste le propriétaire. Nous savons qu’il a eu un certain nombre de problèmes, son visa n’a pas été renouvelé, il a obtenu la nationalité israélienne, etc. Cela a vraisemblablement compliqué la communication avec le Royaume-Uni et le club de football. Puis il y a la situation financière, ça joue aussi. Et la politique d’isolement que poursuit la Russie, cela donne, en somme, ce résultat: que c’est en partie déjà une décision personnelle d’Abramovitch. Je ne sais pas dans quelle mesure c’est confirmé, s’il s’apprête véritablement à vendre, mais je pense que ce serait logique. Aujourd’hui même la possession de Chelsea ne va pas améliorer l’attitude envers la Fédération de Russie, ces coups de pub ne marchent plus.

Je voudrais néanmoins vous reposer la question: le grand business russe… Bon, il y a les fonctionnaires… enfin, des gens, des personnalités… qui ont de l’argent placé en Occident. Ils veulent le garder là-bas. Mais le grand business, les géants économiques russes – eux sont maintenant beaucoup moins à l’aise pour travailler à l’Ouest. Ou bien ce n’est pas le cas, la situation reste tenable et il n’est pas encore urgent de se rapatrier?

La situation est devenue notoirement plus compliquée pour le grand business russe, les hommes d’affaires qui font partie de ce fameux cercle de Poutine, son entourage proche – or ce sont de très grandes entreprises, peu importe publiques ou privées. Bien sûr que la situation est plus compliquée. Au niveau moyen elle est aussi devenue plus compliquée, d’ailleurs. Tout est devenu compliqué: je parle beaucoup avec des gens, ils ne peuvent même plus ouvrir de compte en banque, ou alors ils voient leurs comptes fermés, malgré un historique impeccable depuis vingt ans, et ainsi de suite. Le fait que les choses deviennent plus difficiles à ce niveau-là, je pense que c’est bien la conséquence du processus d’auto-isolement, de retour en Russie ou l’inverse, ce processus est actuellement très actif.

Vous avez mentionné que cette semaine était une sorte d’anniversaire, une date, quinze ans depuis l’arrestation de Khodorkovsky, le 23 octobre 2003. Un point que moi personnellement, et aussi ne nombreux autres, voient comme un tournant dans les relations entre l’Etat et le monde des affaires en Russie. Un tournant également pour toute la politique russe qui a suivi, pour toute la vie en Russie. Vous étiez à l’époque de l’autre côté des barricades, vous étiez encore à cette époque, si je comprends bien, un allié de Poutine. Aujourd’hui, si vous regardez en arrière, à quel point est-ce que… Que pensez-vous de ce temps-là, de cette époque? Et dans quelle mesure ces difficultés, cet auto-isolement que nous venons d’évoquer, découle directement des décisions prises à ce moment-là, de cette arrestation d’il y a quinze ans?

Tout à fait d’accord, à ceci près que je ne me trouvais pas de l’autre côté des barricades. Je n’étais absolument pas de l’autre côté des barricades, je faisais de la politique, j’étais conseiller de Poutine, mais cela ne signifie pas que j’aie soutenu sa politique à l’égard de IOUKOS. Qui plus est, il ne m’en informait pas, c’était l’affaire des services spéciaux, tout était tenu très secret. Du reste, quand j’avais rencontré Khodorkovsky, nous avions discuté, et le conseil que je lui ai donné a été de quitter la Russie, partir avec l’argent, pour ensuite, éventuellement, pouvoir gérer la situation, aider ses anciens collaborateurs lorsqu’ils se seraient trouvés en situation difficile (et d’ailleurs, c’est ce qui s’est passé).

A cet égard, rien n’a changé. Je m’en tiens au même avis, je pense que ce moment a marqué un tournant et une étape critique dans le développement de la Russie, c’est un fait. Je me souviens des événements, que je voyais, pour ainsi dire, de l’intérieur, en interaction avec Poutine. Poutine n’avait pas le choix, il ne pouvait faire autrement, en tout cas c’est ainsi qu’il voyait la chose. Il ne s’agissait pas de politique, ou de soutien à Khodorkovsky, au parti communiste ou que sais-je encore… Il s’agissait tout bonnement, purement et simplement, d’une décision d’expropriation. Un processus qui a été maintes fois réitéré par la suite.

Peut-être que les cas suivants n’ont pas été aussi marquants ni d’une telle envergure, mais une chose a changé, c’est sûr… Pourquoi se souvient-on aussi bien de ce cas, de l’affaire IOUKOS? Parce que la justice n’était pas encore aussi docile, elle n’était pas intégrée à l’administration présidentielle, si l’on peut dire. Les avocats de IOUKOS, les avocats de Khodorkovsky, avaient encore la possibilité de plaider, de faire entendre une position, et les juges essayaient de travestir, de détourner la législation, mais de rester néanmoins dans le cadre légal. Actuellement, on voit bien que ce n’est plus du tout le cas, que la situation est loin d’être la même. Si l’affaire IOUKOS s’était déroulée aujourd’hui, il n’y aurait eu qu’un ou deux billets dans la presse, et encore…

On n’y aurait simplement pas prêté attention. Mais à l’époque, à vrai dire, du point de vue des motifs d’accusation, depuis l’arrestation de Lebedev en juillet 2003, tout cela avait l’air passablement ridicule d’un point de vue juridique. Et tous les observateurs indépendants voyaient cela très clairement.

Oui, mais l’attention publique était néanmoins rivée sur cette affaire. D’une certaine manière, l’équivalent aujourd’hui c’est l’affaire Sérébrennikov, c’est un cas très similaire. Mais croyez-moi, si la même chose était arrivée aujourd’hui à un homme d’affaires, une grande entreprise, pétrolière ou autre, peu importe, on y aurait accordé à peine quelques minutes au journal de 20 heures, et puis c’est tout – juste le temps d’esquisser la situation. Prenez, du reste, l’affaire des Magomédov, une histoire édifiante.

Oui, oui. C’est tout à fait vrai, on y consacre beaucoup moins d’attention dans la presse. Mais en ce qui vous concerne, on a encore l’habitude de penser que, puisque vous étiez de l’autre côté, puisque vous aviez de bonnes relations avec Poutine, puisque vous apparteniez, en quelque sorte… Je veux dire: vos affaires ont commencé à prospérer lorsqu’il est arrivé à la présidence, votre business allait bon train… On écrivait de vous à l’époque, si j’ai bonne mémoire – je peux, bien sûr, me tromper – que vous étiez en bons termes avec les siloviki dans l’entourage de Poutine, et donc, c’est pour cette raison, qu’ensuite… On avait même tendance à vous démoniser, à l’époque, dans la presse, dans le genre: voyez ce Pougatchev, le banquier-oligarque orthodoxe, qui, de concert avec Poutine, marche sur les plates-bandes de la vieille garde eltsinienne.

C’est une erreur, à n’en pas douter. Il y avait à ce moment-là des guerres d’entreprises, c’était courant à l’époque, c’était une forme d’action. En somme, personne ne voulait que quelqu’un se rapproche davantage de Poutine que les autres, que les autres organisations industrielles et financières, si vous voulez. C’est normal. Mais la question n’est pas là. La question est que j’ai contribué personnellement à l’avènement de Poutine, parce que j’étais encore de l’équipe de Eltsine. Il serait dont tout à fait incongru de dire que j’étais de l’autre côté. D’ailleurs, j’entretiens toujours de bonnes relations avec Tatiana Diatchenko et Valentin Ioumachev. Il faut bien comprendre que ma carrière politique active avait débuté en 1997, au moment de l’élection du président Eltsine.  Donc dire que j’étais de l’autre côté est absolument faux.

L’autre idée que vous venez de mentionner est que mes affaires ont commencé à prospérer après l’arrivée de Poutine au pouvoir. C’est totalement faux. Poutine n’a strictement rien fait. Tout ce que j’avais je l’avais acquis, je n’avais jamais participé à la privatisation, tout avait été acheté pour de l’argent, et ce avant l’arrivée de Poutine au pouvoir. Cela vaut pour le chantier naval de Pétersbourg, le plus grand, et la licence obtenue en 1999 pour l’exploitation du plus grand gisement de charbon à coke du monde, et pour tout le reste. Poutine a au contraire essayé d’accaparer mes avoirs, c’est précisément ce qui s’est passé, pour les donner à son entourage, aux “pétersbourgeois”, à ses copains, ses anciens collègues du KGB, etc.

Pour revenir à l’affaire Khodorkovsky, si je vous ai bien compris, vous pensez qu’il n’y a pas eu de moment critique, de bifurcation, et que Poutine n’avait en fait pas le choix? Que sa décision d’arrêter Khodorkovsky était prédéterminée et que cela n’aurait pas pu se passer autrement?

C’est évident, oui. Je me souviens des détails, de la façon dont c’est arrivé. Ce que j’ai voulu dire, c’est que Poutine n’était pas prêt à agir autrement, c’était la seule voie sur laquelle il était prêt à s’engager. Nous en avions beaucoup parlé, j’étais catégoriquement contre cela, non pas que je fusse un ami proche de Khodorkovsky, bien que nous ayons été en contact étroit depuis la fin des années 80, début 90 – nous étions d’ailleurs voisins, nos maisons et nos maisons de campagne se trouvaient à quelque cinquante mètres l’une de l’autre.

Mais simplement je comprenais que nous étions arrivés à un tournant, qu’il allait casser – à l’époque on pouvait encore le dire – le climat d’investissement. C’était à proscrire absolument, a priori, parce qu’après avoir goûté du sang, il n’allait plus pouvoir s’arrêter. Je sentais que si Poutine comprenait le mécanisme… or, il est fait comme cela… Je me souviens d’un exemple, totalement extraordinaire, lorsqu’il voulait remplacer un fonctionnaire… Et en fin de compte il a dit: tant pis, qu’il reste, et si jamais c’est nécessaire, nous n’aurons qu’à initier une procédure pénale pour le mettre en prison. Voilà, c’est cette même approche qui prévaut aujourd’hui. C’était couru d’avance.

Merci beaucoup pour cet entretien très intéressant. Merci.

Russian billionaire banker forced to sell 9 million £ Chelsea mansion

Russian countess faces eviction as her billionaire banker ex who claims to be on a Putin death list is forced to sell £9million Chelsea mansion after judge rules it belongs to Moscow

  • Sergei Pugachev loses latest round of legal battle with Russian government 
  • High Court ruled his £9million Chelsea home is property of Moscow
  • Ex-partner Alexandra Tolstoy and their three children must leave by January 
  • Tycoon was once in Vladimir Putin’s inner circle and part of Russian elite
  • But they fell out after bank collapse and he claims president ‘wants him dead’  

A Russian tycoon once known as ‘Vladimir Putin’s banker’ has been forced to hand over his £9million home after a judge ruled it belonged to the Russian state, meaning his former lover and their children face being made homeless.

Sergei Pugachev, who now claims Moscow want him dead, fought to keep his Chelsea home in the High Court battle which has been going on for four years.
The billionaire was a close ally of the Russian President and helped run his first election campaign, but their relationship has since crumbled.
He moved to London in 2011 and the property was home to his former partner Alexandra Tolstoy, 44, and their three children, who have been told to leave by January.
She previously lived in poverty in a tiny Soviet-era apartment in Moscow with her ex-husband, an Uzbek horseman.
But after meeting Mr Pugachev she experienced the best money could buy including huge properties in Cote d’Azur and the West Indies.
The Russian state has been pursuing him through the High Court claiming he illegally siphoned hundreds of millions of pounds from a government bailout of the Mezhprombank he co-founded.
Mr Pugachev, 55, denies the allegations and claims Moscow is trying to steal £11billion of his assets, including two shipyards and the world’s largest mine.
Mr Pugachev has previously been declared to be in contempt of court, with a two-year prison sentence left hanging over his head should he return to this country.

According to the Guardian, the court made an order compelling him to sell the home on Tuesday.
Mr Pugachev had been due to give evidence via video link but complained of ‘injustice’ after the connection failed.
The paper said he made a statement to the judge apologising for being in contempt of court, claiming he was on an ‘A-list’ of targets for Putin as one of his ‘worst personal enemies’.
Mr Pugachev added he had an ‘unofficial death sentence’ on his head.
He had been living in France for the past three years after being ordered to give up his passports in 2014 and having his assets frozen. He also claims ‘credible attempts’ had been made on his life in the UK.

The tycoon is in another legal battle with Russia in The Hague where he is suing the Federation for £11billion.
He claims he is being targeted because of his knowledge of state secrets.
The Guardian reported his witness statement claimed Putin wanted to buy Chelsea Football club to ‘increase his influence and raise Russia’s profile with ordinary British people’.
But the court ruled his statement ‘did not have anything useful to say’ in his defence.
His former wife Galina has also made a claim in the court over the property stating it is a ‘matrimonial asset’ but a decision has yet to be made.
Lats year the High Court ruled that the £90 million offshore trusts set up by Pugachev to provide for his children with Ms Tolstoy could be seized by the Russian state.
The 43-year-old former television presenter, a distant cousin of Russia author Leo, said it ‘destroyed’ her life, after the ruling also deprived her of a house in St Barts.
Her years with Pugachev have been described as a ‘kaleidoscope of private jets, yachts and the best hotels’.
As well as a large country house near Moscow, Alexandra had a suite in Claridge’s permanently at her disposal.

Speaking about last year’s ruling, she said: ‘I cried for two days when I heard. I lost our house in St Barts. My children are losing their home.
‘I was such a romantic. I’ve taken extraordinary risks in my life. I’ve always been reckless.
‘Until now, it’s paid off. But I was young then and had more energy. And I didn’t have the children.’
She has since described her ex-partner as a ‘tyrannical and paranoid bully’ who, she claims, effectively kept her prisoner in his spectacular homes – which he denies.
Countess Alexandra Tolstoy was just 25 when she first came to the public’s attention after joining a 5,000-mile horseback trek along the entire route of the Silk Road in 1999, just as the former USSR was opening up.
One of her local guides was the Uzbek showjumper Shamil Galimzyanov.
They fell in love in a tent on the Asian steppes and – to the amazement of her friends and family – were married at London’s Russian Orthodox Cathedral in 2003.
Despite her exotic name and family history, Alexandra is a Home Counties English rose, educated at Downe House, a school where the Duchess of Cambridge studied briefly.
But after their marriage fell apart, she started a TV career, presenting Alexandra Tolstoy’s Horse People for BBC2.
She then met Mr Pugachev in 2008 and he whisked her away to a life of yachts, chateaux in the South of France and St Barts.