Le Kremlin n’est pas au courant des changements dans l’affaire de l’ex-sénateur Sergueï Pougatchev.

Le Kremlin n’est pas au courant des changements dans l’affaire de l’ex-sénateur Sergueï Pougatchev.

L’attaché de presse du président de la Fédération de Russie Dmitri Peskov a indiqué qu’il n’en avait pas été informé.

MOSCOU, 29 septembre. / TASS /. Le Kremlin n’a pas encore pris connaissance des informations sur la reprise de l’enquête à Paris concernant le procès de l’ancien sénateur (2001-2011) Sergueï Pougatchev, a déclaré mercredi à la presse l’attaché de presse du président Russe Dmitri Peskov.

« Non, nous n’en avons pas encore eu connaissance. Jusqu’à présent, pour être honnête, nous n’avons pas de temps pour cela », a-t-il déclaré après avoir été interrogé.

La cour d’appel de Paris a décidé d’ouvrir une enquête sur le procès de l’ancien propriétaire de la Mezhprombank Sergueï Pougatchev, dans le cadre de laquelle des responsables russes pourraient être interrogés

PARIS, le 29 septembre. / TASS /. La cour d’appel de Paris a décidé d’ouvrir une enquête sur le procès de l’ancien propriétaire de la Mezhprombank Sergueï Pougatchev, dans le cadre de laquelle des responsables russes pourraient être interrogés. L’avocat de Pougatchev, Mikael Bendavid, en a parlé à TASS.

“Je peux confirmer que la cour d’appel de Paris a rendu une telle décision la semaine dernière”, a-t-il déclaré en réponse à une demande de commentaire sur les informations pertinentes parues dans les médias.

L’avocat a précisé que la cour d’appel avait confié l’enquête au juge d’instruction Mark Sommerer. Auparavant, il avait mené une enquête sur le financement de la campagne de l’ex-président français (2007-2012) Nicolas Sarkozy. Cependant, il est difficile de parler du calendrier de l’enquête, ainsi que du moment exact où les suspects et les témoins dans cette affaire peuvent être interrogés, a déclaré Bendavid.

« Le juge d’instruction dispose d’un large éventail de pouvoirs. Il peut interroger un grand nombre de personnes, si nécessaire, lors de l’instruction d’une affaire et déterminer le calendrier de l’enquête. Plusieurs noms sont déjà connus, mais leur divulgation est impossible afin de préserver le secret de l’enquête. Une enquête sera menée contre un certain nombre de personnes. , certains d’entre eux sont ou étaient des fonctionnaires russes. Cela est particulièrement vrai des personnes associées à l’Agence d’assurance-dépôts [DIA] “, – a déclaré l’interlocuteur de l’agence.

Le 2 Novembre, les avocats de M. PUGACHOFF ont déposé un recours à l’encontre de la décision du Tribunal de La Haye rendue le 18 juin 2020

Le 18 juin 2020, le Tribunal de La Haye a rendu une décision sur la base des audiences tenues en novembre dernier à Paris.

Le tribunal a reconnu que le statut de M. PUGACHOFF, en tant que citoyen légal de la France lui permettait de se prévaloir de la protection des droits des investisseurs prévue par le Traité Bilatéral d’Investissement entre la France et la Russie, mais néanmoins, cette sentence n’a pas complètement satisfait M. PUGACHOFF et le 2 Novembre 2020, ses avocats ont déposé un recours auprès du TRIBUNAL SUPERIOR DE JUSTICIA DE MADRID.

Étant donné que deux arbitres du panel du Tribunal ont refusé de se prononcer sur la partie concernant la demande au fond, les avocats de M. PUGACHOFF estiment que la sentence du 18 juin 2020 est incomplète et devrait être modifiée.

Étant donné qu’aux termes de la procédure du Tribunal, la ville de Madrid a été désignée comme le lieu d’arbitrage, l’appel a été déposé auprès du tribunal Espagnol – TRIBUNAL SUPERIOR DE JUSTICIA DE MADRID.

Une date d’appel sera fixée sous peu.

Le Tribunal de la Haye a rendu sa sentence dans le cas Serge PUGACHOFF (Sergei PUGACHEV) C. Fédération de la Russie

Aujourd’hui on a obtenu l’information que le Tribunal de la Haye a rendu sa sentence dans le cas Serge PUGACHOFF (Sergei PUGACHEV) C. Fédération de la Russie, concernant les pouvoirs du Tribunal liés au présent litige.

Le procès contre la Russie a été intenté en 2015 par M. PUGACHOFF (PUGACHEV) suite à l’expropriation de ses actifs sur le fondement de l’accord entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, fait à Paris le 4 juillet 1989 (ci-après l’Accord).

Les plaidoiries concernant le pouvoir de juridiction ont eu lieu à Paris en Novembre 2019, cependant aujourd’hui on a obtenu l’information liée la sentence en la matière.

Deux arbitres sur trois ont considéré que le Tribunal n’avait pas le pouvoir de juridiction concernant le litige.

Le Tribunal a pris en considération les nombreux arguments de M. PUGACHOFF (PUGACHEV), mais a malheureusement décidé d’écarter le principe émanant de la pratique judiciaire selon lequel l’Accord protège l’investisseur au moment de l’expropriation et non pas au moment de l’exécution de l’investissement.

Un arbitre a formé une opinion dissidente par rapport aux deux autres arbitres et a écrit dans son avis spécial que la question de la citoyenneté soulevée par les deux autres arbitres contrevient à l’Accord et à la jurisprudence établie en la matière.

La présente sentence ne veut pas dire pour autant que M. PUGACHOFF (PUGACHEV) va arrêter son contentieux avec la Fédération de la Russie.

La présente sentence du Tribunal serait contestée dans les délais processuels légaux par les avocats de M. PUGACHOFF (PUGACHEV) qui sont surs que la présente sentence serait annulée.

-Press-service de Serge PUGACHOFF (Sergei PUGACHEV)

Sergueï Pougatchev, l’oligarque qui réclame 12 milliards à Poutine.

ENQUÊTE – Le milliardaire russe fut le patron de chantiers navals, de mines et d’Hédiard. Tombé en disgrâce, poursuivi par la justice russe mais aussi britannique, il s’estime exproprié. Rencontre avec un ex-conseiller du «tsar» qui réclame réparation, devant un tribunal, à Paris.

Longtemps il fut surnommé le «banquier de Poutine». Aujourd’hui, le banquier se retourne vers son «client». Et ne lui réclame rien de moins que 12 milliards de dollars. Une somme colossale exigée de la Fédération de Russie, donc à Vladimir Poutine, puisque selon le quémandeur, «l’État, c’est Poutine». L’homme qui ose ainsi défier le tout-puissant président russe est Sergueï Pougatchev, oligarque déchu, qui a obtenu la nationalité française de longue date. C’est à ce titre que la prochaine manche du bras de fer qu’il a entamé pour récupérer la valeur des biens, dont il estime avoir été exproprié, se joue ce mardi 12 novembre, à Paris.

Dans la galerie encombrée des oligarques russes, se bousculent ceux qui restent en cour, les disgraciés et les plus ou moins mystérieusement disparus. Sergueï Viktorovitch Pougatchev, c’est celui qui fut propriétaire de l’épicerie de luxe Hédiard et – via son fils Alexandre – du quotidien France Soir. Ce mardi et les trois jours suivants, il assistera donc à une audience du tribunal arbitral international de La Haye. Quatre jours de confrontations organisés non pas aux Pays-Bas mais à Paris. «Pour garantir la sécurité d’un citoyen français», affirme Sergueï Pougatchev.

L’ex-banquier, atterri de Nice où il réside, a donné rendez-vous au Figaro dans le salon cosy d’un hôtel de luxe parisien. La silhouette est haute, la tenue décontractée, veste de cuir, pull sombre, jeans. Il porte la barbe et la moustache plus rases que dans les années 2000 où son visage évoquait immanquablement le tsar Nicolas II. Il arrive suivi de son garde du corps, oreillette apparente, qui s’assoit à quelques mètres. «J’ai reçu des menaces de mort», depuis des années, justifie Sergueï Pougatchev.

En 2015, à Londres où il réside alors avec Alexandra Tolstoï, la mère de ses trois plus jeunes enfants, des boîtiers sont découverts sous sa voiture. Explosifs, comme il le pense, ou balises de localisation? Scotland Yard puis la justice française sont saisis. Pougatchev attend toujours le résultat de l’enquête. «Mes avocats, ici, ont découvert qu’ils étaient suivis, pour moi, ce n’est pas une nouveauté», dit-il sur un ton presque badin.

Intimidations appuyées? Volonté réelle de le supprimer? Pour qui contrarie le Kremlin, toutes les hypothèses sont permises. Comment l’ancien propriétaire d’Hédiard s’est-il retrouvé dans cette situation peu confortable? Il raconte, d’un débit rapide. Sergueï Viktorovitch, 56 ans et déjà plusieurs vies, comprend le français, parle anglais, mais pour plaider sa cause avec volubilité, préfère la langue de Pouchkine. «J’étais proche du patriarche Alexis», chef de l’Église orthodoxe russe de 1990 à son décès en 2008, «qui connaissait mon père», commence-t-il. «C’est grâce à Alexis que je suis devenu conseiller de Boris Eltsine.» Pas encore trentenaire, Pougatchev a fondé «la première banque privée» sur les décombres de l’URSS, l’IIB alias Mejprombank. Le financier réfute avoir été le banquier du patriarcat, et encore plus d’avoir blanchi son argent, «une histoire, fausse», selon lui, qui a prospéré.

Parvenu dans «la Famille», le premier cercle du président Eltsine, il habite une datcha, l’une de ces vastes villas construites en banlieue de Moscou pour la nomenklatura soviétique. À Gorki, le voisin du jeune banquier conseiller du prince est le nouveau patron du FSB, un certain Vladimir Poutine. Les deux hommes se fréquentent. Pour qui douterait de sa proximité avec «Volodia», Pougatchev a affiché sur son site internet des photos d’une fête d’anniversaire et d’une partie de billard sur la table de la datcha de Brejnev. On y voit ses deux aînés, nés de son mariage avec Galina, alors adolescents, en compagnie de Macha et Katia, les deux filles Poutine – sujet quasiment tabou en Russie.

Il a beau être de dix ans le cadet de Vladimir Poutine, Sergueï Pougatchev revendique le rôle de faiseur de roi. Il assure avoir glissé au clan Eltsine le nom du patron du FSB comme premier ministre et successeur du président chancelant. Il le dépeint, au rebours des clichés, en personnage plutôt faible, «qui ne sait pas dire non», et donnerait raison au clan le plus fort du moment. Une description contradictoire avec le fait qu’«aujourd’hui, tous les hiérarques, les gouverneurs, les ex-du KGB ont été nommés par Poutine ; moi, je ne lui devais rien».

Les souvenirs se bousculent dans la bouche de l’homme d’affaires, au point qu’on peine à retracer la chronologie de tel ou tel tête-à-tête avec Poutine. Il situe l’un de ces échanges décisifs en 2009, dans la datcha présidentielle de Novo-Ogariovo, «jusqu’à 3 heures du matin». «Il ne se rendait pas compte que la situation du pays avait changé, il me répondait que le peuple a besoin d’un tsar.» Ce jour-là, l’oligarque signifie au tsar qu’il veut quitter le pays pour s’installer en France où il possède, entre autres, Hédiard depuis 2007. En Russie, il estime que son empire financier et industriel pèse 15 milliards de dollars et 300.000 employés. «Je comprends que Poutine ne veut pas que mes actifs tombent en de mauvaises mains.» Selon lui, de nombreux documents analysés par ses bataillons d’avocats russes, britanniques, américains et français attestent qu’à ce moment, l’État est disposé à lui racheter ses affaires. «Le morceau de choix, ce sont mes chantiers navals de Saint-Pétersbourg, avec leur carnet de commandes de 60 milliards de dollars.» Ceux-là mêmes qui devaient construire les navires militaires Mistral achetés à la France, avant que François Hollande n’annule le contrat pour sanctionner l’annexion de la Crimée. À partir de là, raconte Pougatchev, l’entourage de Poutine, «la meute», veut rafler ses biens.

Les ennuis s’enchaînent. La Mejprombank fait faillite. La justice russe estime que Pougatchev en est comptable et doit restituer environ un milliard de dollars. «Cela faisait neuf ans que je n’avais plus rien à voir avec la banque», jure l’oligarque, pointant «une histoire montée de toutes pièces». Sauf que la banque qu’il a fondée, dont la licence est retirée en 2010, finançait ses autres entreprises, comme il le détaille dans un courrier de 2014 à Vladimir Poutine. À la télé, Poutine le menace, lui enjoint de «rendre tout ce qu’il a pris», raconte l’ex-conseiller du prince. «Cette émission a été un choc pour moi, le début de l’expropriation agressive.» Outre les chantiers navals, seront gelés ses actifs dans la plus grande mine de coke du monde, qu’il avait développée en Sibérie. Pougatchev est aussi écarté d’un prestigieux projet immobilier sur la place Rouge où devait œuvrer Jean-Michel Wilmotte. La faillite d’Hédiard? Le Kremlin aussi, selon lui, qui l’a privé de liquidités.

Moscou est parvenu à faire geler ses avoirs par la justice britannique. Pour ne pas avoir exécuté les sentences des tribunaux de Londres et avoir quitté le Royaume-Uni, Sergueï Pougatchev a été condamné pour outrage à la justice et encourt jusqu’à deux ans de prison outre-Manche.

La justice française, dans une décision de février 2019 du tribunal de grande instance de Nice, a en revanche empêché la saisie de ses biens en France, par le liquidateur public de la Mejprombank, la DIA. C’est ainsi que l’homme d’affaires garde la jouissance de son château de Gairaut, une demeure construite en 1904 sur les hauteurs de Nice avec vue imprenable sur la baie des Anges, gardée par des bergers malinois qui impressionnent les visiteurs.

En 2015, Pougatchev saisit le tribunal arbitral international de La Haye. Son ex-compagne, la comtesse Alexandra Tolstoï, apparentée au grand écrivain, restée à Londres, lui demande de retirer sa requête, en échange d’un droit de visite à leurs trois enfants. «La mère de mes enfants a été corrompue par les Russes, je n’ai pas vu ma cadette, de 6 ans, depuis trois ans», souffle l’ex-oligarque, le regard perçant gris vert se troublant un instant. Dans la presse britannique, Alexandra s’est plainte de ne pas toucher de pension alimentaire.

Comment, d’ailleurs, assure-t-il son train de vie sur la côte d’Azur, les avocats, la sécurité? Ce jeune grand-père – ses deux fils aînés lui ont donné six petits-enfants nés en France – est d’ordinaire discret sur ses «affaires». Il parle cette fois avec enthousiasme de OPK Biotech, start-up à Boston qui travaille sur le sang artificiel, dont il est actionnaire depuis des années.

À Paris, les trois arbitres (un Colombien nommé par le plaignant, un Espagnol désigné pour la partie russe, un Français) ont convoqué des témoins de prestige. Il y a l’ancien ministre russe des Finances Alexeï Koudrine, actuel président de la Cour des comptes. Et Viktor Zoubkov, ex-premier ministre. Leur venue serait une surprise. Les avocats – sept pour chaque partie sont inscrits sur une ordonnance du tribunal! – se refusent à tout commentaire ; qu’il s’agisse du conseil de Sergueï Pougatchev, Me Jean-Georges Betto, ou, de l’avocat de la Fédération de Russie, David Goldberg, du cabinet londonien White & Case.

L’oligarque peut-il gagner? La justice arbitrale a signé un précédent historique, en 2015, lorsque le tribunal international de La Haye a condamné la Russie à payer la somme gigantesque de 50 milliards de dollars aux actionnaires majoritaires du groupe Ioukos fondé par Mikhaïl Khodorkovski. Cette sentence a été depuis annulée et cette affaire, vieille de quinze ans, est toujours en cours. Sergueï Pougatchev estime son dossier juridiquement plus solide car il s’appuie sur un traité bilatéral, signé entre l’URSS et la France, sur la protection des investissements, du 4 juillet 1989.

L’audience de cette semaine ne sera qu’une étape dans un feuilleton judiciaire qui promet d’être long. Si Pougatchev obtient gain de cause mais que la Russie refuse de payer comme dans la procédure Ioukos, «ce sont les 160 traités bilatéraux de protection des investissements signés par la Russie qui partent en fumée», prévient le banquier déchu. Un signal désastreux pour les entreprises françaises, Total, Renault ou Auchan qui ont investi des milliards en Russie. Selon lui, Emmanuel Macron devrait se servir de son dossier comme d’une carte, un moyen de pression. Sergueï Pougatchev, l’ancien protégé du patriarche orthodoxe, garde la foi en sa cause et en la justice. Même face à son ancien voisin et ami Volodia, il lance: «C’est impossible de perdre».

Le colonel Tcherkaline incrimine dans sa déposition Valery Mirochnikov, l’ex-directeur adjoint de l’Agence de garantie des dépôts.

Le colonel Tcherkaline incrimine dans sa déposition Valery Mirochnikov, l’ex-directeur adjoint  de l’Agence de garantie des dépôts. Ce dernier est accusé d’avoir mis en place un système de protection mafieuse des banques.

Selon l’une des versions du Comité d’enquête de la Fédération de Russie, une partie des milliards retrouvés chez le colonel du FSB constituait la “part” de l’ex-dirigeant de l’Agence, réfugié à l’étranger.

Témoignage d’officier

L’ex-directeur de la Deuxième section du Département “K” du Service de sécurité économique du FSB, le colonel Kirill Tcherkaline, a dévoilé aux enquêteurs le rôle joué par le Premier adjoint du directeur de l’Agence de garantie des dépôts (“ASV” en russe), Valéry Mirochnikov, dans l’organisation de la “protection” mafieuse des banques. C’est ce que rapporte un proche des deux hommes, interrogé par Open Media. Une source proche de l’enquête confirme ces affirmations. Mirochnikov figure actuellement dans cette affaire comme témoin, mais Tcherkaline insiste que c’est bien le directeur adjoint de l’Agence qui avait mis en place tous les système de protection mafieuse (connue en Russie sous le terme de krycha, le toit – note du trad.). Par ailleurs, selon Tcherkaline, une majeure partie de la somme record de 12 milliards de roubles retrouvés chez les accusés lors des perquisitions, appartiendrait en fait à Mirochnikov. Cet argent était “déposé” chez les membres de la famille de l’officier des services spéciaux. “Il y a maintenant dans cet affaire un homme à qui on veut tout faire porter”, souligne un proche du colonel.

Oleg Chigaïev, l’ex-propriétaire de la banque Baltiysky, indique également dans sa déclaration — qui est actuellement vérifiée par le Comité d’enquête — que Mirochnikov recevait de considérables pots-de-vin. Selon lui, Mirochnikov imposait une procédure d’assainissement à la direction de la banque visée, sous menace de retrait de licence et “d’inévitables problèmes avec les forces de l’ordre”. Sur les montants alloués à l’assainissement, un milliard devait être destiné à Mirochnikov et à ses “superviseurs du FSB, au titre de l’organisation et de la facilitation dе la transaction”.

Mirochnikov avait participé dès le début à la création système d’assurance des dépôts bancaires en Russie. Il avait occupé des postes à la Banque centrale, puis à l’Agence de restructuration des établissements de crédit, dont les fonctions ont ensuite été transférées à l’Agence de garantie des dépôts en 2004. Mirochnikov a commencé au sein d’ASV comme directeur-général-adjoint, puis a été nommé Premier adjoint en 2005; il supervisait à ce moment-là tous les aspects liés à la liquidation et à l’assainissement des établissements de crédit. Les auteurs de l’enquête menée conjointement par les médias Proekt et The Bell citent, sans les nommer, des banquiers qui affirment que Tcherkaline et Mirochnikov leur avaient demandé de l’argent en contrepartie du non-retrait de leur licence bancaire et de la suspension des enquêtes pénales ouvertes contre eux pour détournement de fonds.

Pour le moment, trois personnes ont été mises en examen dans le cadre de cette affaire: Kirill Tcherkaline et deux de ses anciens collègues, Andreï Vassiliev et Dmitri Frolov. Ce-dernier avait précédé Tcherkaline à la tête de la section “bancaire” du FSB. Les trois ont été arrêtés le 25 avril 2019. Tcherkaline est accusé d’avoir fourni des services de “protection générale” à des structures commerciales contre la somme de 850 000 dollars. Les trois sont également soupçonnés d’escroquerie. Le magazine Kommersant note, par ailleurs, que Tcherkaline aurait reçu de l’argent pour la “protection” fournie au co-propriétaire de la banque Transportnyi, Aleksandr Mazanov. Il aurait également fait partie du groupement criminel accusé d’avoir détourné le produit des ventes d’immobilier résidentiel de luxe à Moscou.

Tcherkaline coopère activement avec l’enquête. Selon Rosbalt, l’officier se serait repenti et aurait demandé à conclure un accord préjudiciel. “Des entrepreneurs et des banquiers, qui se sont confrontés au tandem Frolov-Tcherkaline et à leurs complices, à un moment ou un autre, viennent aujourd’hui au FSB pour déclarer les sommes qu’ils avaient dû payer contre cette “protection” et d’autres services. La plupart de ces déclarations ne peuvent toutefois pas être instruites par manque de preuves. La déposition de Tcherkaline permettra, peut-être, de faire avancer l’enquête sur un certain nombre de ces cas, qui se trouve, pour l’instant, au point mort”, a indiqué une source au sein de l’Agence. Par ailleurs, Tcherkaline a accepté de rendre à l’Etat plus de 6 milliards de roubles qui seraient, selon son avocat, “d’origine non prévue par la loi”. L’avocat de Tcherkaline, Vladimir Mikhaïlov a refusé de faire des commentaires sur le déroulement de l’enquête.

Un partenaire en Israël

Le témoin Mirochnikov n’a pas pu être interrogé: les enquêteurs étaient intéressés par la teneur de sa correspondance avec Tcherkaline, mais il ne s’est pas présenté suite à la convocation qui lui a été adressée. L’Agence de garantie des dépôts a fait savoir le 10 juillet que Mirochnikov avait donné sa démission. Selon l’interlocuteur interrogé par Open media, qui connaissait bien l’ancien Premier adjoint, cela faisait déjà plus de deux mois que personne ne l’avait vu à son bureau. Aussitôt après l’arrestation de Tcherkaline et des autres figurants de l’affaire, Mirochnikov avait quitté la pays.  D’ailleurs le colonel du FSB ne parle désormais de l’ex-dirigeant de l’Agence qu’au passé, souligne une ancienne connaissance: “Dans toutes ses dépositions Tcherkaline parle de Mirochnikov comme si ce dernier n’était déjà plus de ce monde”.

Après l’arrestation de Tcherkaline, selon l’une des sources interrogées par les auteurs de l’enquête menée par les médias Proekt et The Bell, Mirochnikov serait d’abord parti en vacances avec sa famille en Australie, puis serait allé en Allemagne. Les enquêteurs pensent qu’ils pourrait actuellement se trouver en Israël, affirme un interlocuteur de Open media proche du Comité d’enquête. Selon lui, Mirochnikov aurait sans doute rejoint son associé en affaires et ancien collègue de l’Agence, Alexandre Dounaïev. Dounaïev a été précédemment cité par l’ex-propriétaire de Mezhprombank, Sergueï Pougatchev: l’ancien sénateur accuse en effet Mirochnikov d’une tentative d’extorsion de 350 millions de dollars, sous menace de représailles physiques et de poursuites pénales. Ces menaces auraient été transmises à Pougatchev en juin 2011 par Dounaïev.

Dounaïev est également mentionné comme “consultant recruté par ASV” dans le témoignage d’Oksana Reinhardt, directrice exécutive pour les marchés émergeants de la société financière japonaise Nomura. En 2012 Reinhardt a fourni un témoignage écrit dans le cadre de l’affaire Pougatchev et en prévision d’un éventuel procès d’arbitrage (par la suite Pougatchev a en effet déposé plainte contre la Fédération de Russie à la Cour permanente d’arbitrage de La Haye). Open media dispose d’une copie des pièces mentionnées, dont l’authenticité a été confirmée par une source proche de l’enquête.

Etant donné que Nomura était un créancier de Mezhprombank, Reinhardt avait essayé de s’informer auprès de Mirochnikov sur les moyens pour la société japonaise de recouvrer sa créance. Elle affirme que lors du premier entretien le directeur adjoint de l’Agence aurait déclaré qu’il avait l’habitude de “faire pression sur les oligarques ayant quitté la Russie”. Lors du second entretien Dounaïev était également présent, et a déclaré que la question des dettes contractées par les sociétés de Sergueï Pougatchev serait résolue grâce à la vente des chantiers navals Sévernaya. Dounaïev aurait ajouté que seuls les créanciers seraient payés à l’issue de la vente, et que Pougatchev ne pourrait prétendre à aucune part. C’est ce qui s’est passé: en été 2012 les chantiers ont été vendus aux enchères, à un prix huit fois inférieur à celui escompté par Pougatchev.

En 2012 Dounaïev a été mis en examen dans le cadre d’une affaire pénale pour détournement d’un demi-milliard de roubles, mais il a réussi à fuir la Russie. En 2014 il a été arrêté en Israël, mais n’a pas été extradé en Russie, parce qu’une “notice rouge” avait été émise contre lui par Interpol en 2017. Selon les bases de données officielles, Dounaïev demeure recherché par le Ministère de l’intérieur de la Fédération de Russie.